Henri ALLORGE

Henri ALLORGE



En 1929, Henri Allorge, le poète de Magny-en-Vexin (Val d’Oise, où il naît le 20 mars 1878) est l'un des memebres directeurs de la Maison de Poésie/Fondation Émile Blémont, dirigée par le poète alsacien Alcanter de Brahm, réputé comme promoteur du point d’ironie (⸮), avec, à ses côtés, le poète ésotérique Victor-Emmanuel Michelet (cofondateur avec Papus de l’Ordre Martiniste en 1890), Charles-Maurice Couyba alias Maurice Boukay, poète-député et ministre du Commerce (1911), puis du Travail (1914), le Normand Daniel Cornette de Venancourt, Paul Riotor, poète-croix de guerre 14-18, vice-président du Conseil municipal de Paris et du Conseil général de la Seine, Henri Malo de Boulogne-sur-Mer, poète et conservateur adjoint au musée Condé de Chantilly, Jean Valmy-Baisse, le deuxième poète-croix de guerre 14-18 de la bande et le secrétaire général de la Comédie-Française.

Henri Allorge est un poète qui se double d’un auteur de science-fiction, notoirement spécialisé dans le roman conjectural, le récit hypothétique et le voyage chimérique. Citons le roman d’invasion martienne Ciel contre Terre (Hachette, 1924) ou Le Grand Cataclysme, Roman du centième siècle[1] (Crès, 1922), qui est réédité chez Larousse en 1929.

Visionnaire, Henri Allorge l’est en littérature, mais aussi sur le plan de l’écologie, écrivant dès juin 1910 (cf. La Solidarité devant la nature, in Revue de la solidarité sociale n° 72) et cela mérite d’être cité : « Sachons, du moins, ne pas aider, comme nous le faisons trop souvent, à l’appauvrissement de notre sol, en gaspillant follement ses richesses. L’humanité doit se considérer comme « comptable » des trésors de la nature, et exploiter sagement, sans avidité, comme un administrateur économe et prévoyant, et non comme un prodigue insensé qui dilapide son patrimoine sans songer à l’avenir. Nous sommes solidaires avec les hommes qui vivront après nous, jusqu’à la fin de notre planète ; qu’ils ne puissent pas nous accuser d’avoir dilapidé à leurs dépens notre patrimoine commun et vital : les richesses naturelles. »

Allorge est hélas mort jeune en 1938, à l’âge de 59 ans. Il est l’auteur de quarante livres dont les poèmes de L’Âme géométrique (Plon, 1906), où il « chante la signification pittoresque et symbolique que peuvent offrir les différentes figures géométriques », écrit avec admiration le grand scientifique et astronome Camille Flammarion.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Epaules).

Lisons « Le point » : Œil du monde, fleur de l’espace, - toile au tableau noir des nuits, - C’est par toi que naît et s’efface - Toute chose aux champs infinis. - Essence de l’être suprême, - Signe de la Divinité, - C’est toi le sublime poème - De toute la réalité ! Ajoutons encore, sur un thème totalement inédit et original : Petits poèmes électriques et scientifiques (Perrin, 1924) :

 

LE COMPTEUR

 

Dès que passe le courant,

Son disque de cuivre rouge

Tourne et sur le blanc cadran

L’aiguille bouge,

Enregistrant

La force du fluide et la marche des heures.

— Ainsi, dans les sphères supérieures,

Tournent les astres sur leur chemin de clarté

Comptant combien, depuis l’éternité,

L’ingénieur des Genèses fécondes

A consommé de force et de divinité

À faire se mouvoir les milliards de mondes.

 

LE COUPE-CIRCUIT

 

Un court-circuit se forme et l’électricité,

Force, que le hasard délivre,

Se précipite en ses câbles de cuivre,

En augmentant toujours d’intensité ;

Torrent tumultueux d’ampères,

Qui portent l’incendie avide et redouté !

Le fil fin va rougir ; les flammes, ces vipères,

Vont bientôt répandre en tout lieu   Le Feu...

— Mais non ! le plomb fusible a rempli son office,

Il a « sauté » ; le fluide subtil

S’évanouit ; merci, petit plomb vil,

O gardien vigilant, toi, dont le sacrifice

M’as sauvé d’un affreux péril !

Henri ALLORGE

(Revue Les Hommes sans Epaules 56, 2023).


[1] Samuel Minne écrit à propos de ce roman (in Amicale des amateurs de nids de poussière, 2017) : « Le Grand Cataclysme prend place au centième siècle, en 9978…. La Terre a connu de terribles séismes en 8960, qui ont profondément changé la physionomie du pourtour méditerranéen : les plus grandes villes d’Europe ont été détruites et la France, par exemple, est en grande partie recouverte par l’océan. Les territoires dévastés, la population s’est rassemblée dans une poignée de mégapoles à travers le monde, dont deux en Afrique du Nord : Kentropol, centre de la recherche scientifique, et l’industrieuse Hérakloupol. L’électricité règle tous les aspects de la vie quotidienne. Les gens usent de « bibliophones » et communiquent au moyen du « téléphote ». On ne se nourrit plus que d’aliments synthétiques, pâtes sous forme de cubes, liquides et même parfums. Si tout n’est pas parfait, la misère est éradiquée, et les travaux les plus lourds sont délégués à des grands singes évolués qui servent de domestiques et d’ouvriers aux humains. La science domine sur tout, et les noms et prénoms sont tous formés sur des termes mathématiques ou scientifiques (surtout tirés de la géométrie et de l’astronomie). Ainsi, les personnages principaux sont le couple Triagul Parabolis et Sinusia Altaïr, leurs amis les sœurs Aphélia et Parhélia Elliptine et leur frère Hélikos, et le député Quadrilos Spirol… »



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : Yusef KOMUNYAKAA & les poètes vietnamiens de la Guerre du Vietnam n° 56